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Adeline

Raphaële Lannadère, Rencontre et Cheminement


Connue avec son premier album "Initiale", L aka Raphaële Lannadère a sorti "Cheminement" fin 2023, une ode à soi, à la nature, à l'autre.

Elle revient avec son nouveau titre "Miriam", un hommage féminin, engagé et solaire. Celle dont la voix est douce, telle une caresse pour l'âme, a accepté de nous en dire plus sur qui elle est, sa musique et ses projets.


©Lx Susannah

Bonjour Raphaële, déjà quinze ans de carrière, si tu regardes dans le rétro que dirais-tu à celle qui se préparait à sortir « Initiale » en 2011 ?

Bonjour Adeline, et bien je lui dirais que ce n’est pas fini, qu’il faut profiter des moments porteurs et faciles. 


Et à celle qui vient de sortir « Cheminement » ?

Je lui dis qu’il faut continuer. Un peu pareil finalement !


Oui, je trouve qu’il y a du lien entre ces deux albums…

Oui, je suis d’accord (rires).


Si on repart à l’aube de ta musique, as-tu été bercée enfant dans la musique, des parents musiciens ? 

Mes parents faisaient totalement autre chose, mais mes parents écoutaient beaucoup de musique et adorent ça. Mon père joue de la guitare, j’écoute de la musique et chante depuis que je parle à ce qu’il parait. 


Tu as de suite été vers le piano ou la guitare ?

Alors pas du tout la guitare et le piano, c’est un instrument qui m’accompagne depuis toujours, mais dont j’ai très peur donc je n’en joue que quand je suis toute seule.


Ahhhh, malgré les vidéos facebook ?

Parce que je suis toute seule, donc là, j’y arrive, mais sinon je suis incapable de jouer du piano avec des gens autour de moi. 


Parce que tu as peur ? Tu en trembles ?

Oui, oui tout à fait. J’ai un vrai blocage, j’espère qu’un jour cela passera.


Donc c’était plutôt la voix alors que tu as travaillé ?

Ah oui, c’est totalement ça.


As-tu fait des études dans ce cursus-là ?

Oui, j’ai fait une école de chant assez extraordinaire “Les Glotte-trotteurs”, dirigée par une ethno-musicologue, prof de piano et de chant : Martina Catella. Elle est extra, elle nous a beaucoup fait travailler en polyphonie, des chants du monde entier. C'était passionnant !


Et tu en as gardé des traces, des envies dans la suite de ton parcours comme avec ton projet "Protest song" et trois autres chanteuses ?

Alors oui, car quand je leur ai demandé si elles voulaient bien monter un répertoire a capella : c'est vraiment parce que je sortais des  “Les Glotte-trotteurs” et très habituée à chanter en choeurs.


La voix, ta voix est très douce mais qui peut aussi avoir de la force...

Oui, je crois que la douceur, c'est plutôt presqu'un souci esthétique.


Tu aurais aimé qu'elle soit différente ?

Non, pas du tout. C'est juste que, notamment en enregistrement, j'aime moins le timbre de ma voix quand j'envoie. Ce qui peut être très utile en live, en revanche !


©Lx Susannah

Ta voix plutôt calme semble te caractériser dans ce milieu, qu'en penses-tu ? A moins qu'il y ait une petite tempête intérieure (rires) ?

(Rires) Oui complètement !! Ecoute, si c'est ça que ça fait aux gens écoute, ça me fait très plaisir !


Je voulais souligner qu'il y avait une grande place laissée aux instruments, était-ce un choix de ta part ?

Absolument, j'avais envie qu'il y ait beaucoup de musique sur ce disque.


Un peu comme des albums folk comme ceux de Robin Foster ?

Alors je ne connais pas Robin Foster, mais dans ceux que j'ai pu écouter pendant l'écriture de celui-ci, il y a par exemple Haley Heynderickx, c'est très beau, elle m'a beaucoup inspirée, mais aussi Billie Eilish évidemment Mitski : des voix magnifiques avec beaucoup de musique, toujours.


Il y a une grande place à la poésie, à l'écriture dans cet album. Est- ce que c'est quelque chose que tu as travaillé en premier ?

Non, plus je fais des chansons, moins je m'attarde sur le texte, étrangement ! Sur "Initiale", j'écrivais systématiquement les textes et je les mettais en musique. Maintenant, pas du tout, soit j'ai un tout petit bout de texte, une phrase et je commence la chanson, j'écris les deux en même temps, soit carrément j'avais des musiques et j'ai cherché les mots à mettre dessus.

La grande différence, c'est que j'ai co-écrit avec Antoine Montgaudon, le réalisateur.


Le fait de penser à deux à changer ta manière de travailler. Lui avait peut-être quelques musiques dans ces tiroirs ?

Des quantités astronomiques plutôt (Rires) Mais je crois, que c'était des choses neuves qu'on a cherché et écrit ensemble.


Tu vis en Bretagne. As-tu fait quelques balades et écrit quelques textes sur un rocher breton, face à la mer ?

Sur la côte oui, dans le Morbihan, chez moi et dans la campagne costarmoricaine.


Ces ambiances sont plutôt inspirantes ?

Très !!!


Cet album est composé de titres qui font référence à la nature. Etais-tu déjà ancrée dans cette nature ?

Je suis partie vivre en Bretagne en 2018, c'est vraiment pour me rapprocher de la nature. J'en avais marre de Paris, de la vie là-bas. C'était déjà le cas dans "Paysages", mon précédent album, je crois que la nature a une grande place dans mon écriture.


Est-ce qu'on pourrait imaginer des concerts en forêt ?

Oh oui, j'adorerai ! Ce serait génial !


Dans le titre "Ensemble", est- ce que Sandra Nkaké a mis sa patte dans l'écriture ?

Sa patte, de toute façon dès qu'elle ouvre la bouche, elle laisse une empreinte extraordinaire. Sandra a une voix merveilleuse et une timbre tellement chaleureux et tendre.

Mais, j'ai écrit cette chanson pour nous deux.


Tu avais en tête que ce serait Sandra et pas une autre ?

Ah oui, oui, clairement ! C'est pour ça que pour moi, c'est un peu grave sur les couplets car j'avais sa voix à elle en tête et que je voulais écrire quelque chose qui nous aille à toutes les deux.


Ce qui devait être un sacré défi, avec vos voix vraiment aux antipodes. Une plus douce, cristalline et l'autre plus chaude, rocailleuse et forte ...

Etant très habituées à chanter ensemble, je ne sais pas par quel miracle mais il se passe vraiment quelques chose quand on mélange nos voix. Elles sont très différentes, c'est amusant de les mixer. Moi, ça m'a fait plonger dans les graves de ma voix pour aller vers elle, j'aime bien faire ça. C'est enrichissant !


C'est une rencontre qui date ?

Oui, on s'est rencontrées, il y a un bail. La première fois qu'on a fait quelque chose ensemble date d'un hommage à Higelin à la Philharmonie, en 2016/2017. De fil en aiguille, on ne s'est plus trop quittées.


Elle a un côté magnétique, attachant !

Oui, c'est une fille extraordinaire, tout comme Jérôme (Jî Drû), son conjoint. Ils sont devenus comme des gens de ma famille.


Ton engagement féminin est affirmé dans chaque album, avec des titres comme "L'étincelle" et "Miriam". C'est une envie, un besoin que tu as de parler de nous, les femmes ?

C'est vrai que ça fait un moment que des femmes m'inspirent et me donnent de la force, de la persévérance et de l'espoir. Dans le deuxième album, j'avais un hommage à Lhasa de Sela. Après, je fais aussi des hommages à des hommes, dont "Gela" pour un homme politique sicilien. Même si au final, on a su qu'il était corrompu (rires). Ou encore "Ne me libérez pas, je m'en charge" pour Michel Beaujour, dont j'étais tombée très fan.

Je crois que plus que pour les femmes, je crois que je suis plutôt une chanteuse à hommages !


Le côté indépendant de ton métier, te permet-il une forme de liberté ?

Oui, je crois que j'ai beaucoup de liberté. Même si, quand j'étais chez "Tôt ou tard", je n'ai jamais été contrainte et plutôt très libre. Ils ont été extrêmement respectueux.

©Lx Susannah


Sur l'album, on t'entend chanter en anglais, comment l'as-tu vécu ?

Oui et écrire en anglais surtout ! C'était une première !


Alors plutôt fluide ou scabreux ?

Ça a été assez facile, mais parce que j'écoute tellement de musique anglophone depuis toujours. Ce n'est pas une langue étrangère. C'est une autorisation que je me suis enfin donnée !


Quels étaient les retours des anglophones ?

Je suis quand même allée voir un ami irlandais pour m'assurer qu'il n'y avait pas d'erreurs. Et ça avait l'air d'aller ! (rires)


Pourquoi ce choix, cette pause dans l'album ?

Oui, je voulais être raccord avec Greta Thunberg qui s'exprime beaucoup en anglais. Je trouvais que c'était chouette d'utiliser l'anglais, c'est plus universel et fédérateur.


Tu as travaillé tes clips comme des courts-métrages, des hommages à la nature, à notre Bretagne ... Peux-tu nous parler de tes choix en termes de réalisateurs/trices ?

Je vais te parler du clip de "Je t'attends" où on a utilisé des sublimes images de Stéphanie Lagarde, une artiste vidéaste, plasticienne extraordinaire. Pour la création du spectacle, j'ai confié la direction visuelle à une commissaire d'exposition Anne-Sophie Bérard. Elle a imaginé un endroit d'exposition pour moi avec Constance Guisset. Une magnifique scénographie, un décor sublime.


« Cheminement » aborde plusieurs thèmes, de façon générale, comment choisis-tu les titres qui resteront sur l'album, ce qui sera gardé au chaud pour plus tard ?

Je choisis ce qui me semble le plus cohérent, ce qui au moment de la photo, forme un paysage mental. 


Y a-t-il des titres « bonus » que tu joues en live et qui ne sont pas sur l’album ?

Oui, une autre chanson en anglais, que je sortirai plus tard.


Je sens une grande sensibilité en toi, mais aussi une force intérieure, palpable dans ta voix, comment gère tu ces montées d’émotions lors de la prise de son ? 

Je suis en général, assez calme et concentrée en studio, en tout cas, dans le cadre de mes albums. J’ai peu le trac, je suis guidée. En revanche, dans des projets différents, je peux être submergée. Mais, souvent, heureusement, la musique me rassemble.


« Chemine » ce clip tourné sur la scène, un très beau jeu de lumières … Un titre plein d’espoir : comment est-il né ?

Avec cette idée de présenter la scénographie et la liberté qu’elle me donne.


L’album se termine sur "N’oublie pas", écrit et dit par Cécile Coulon, écrivaine… Un texte assez fort … issu de « Trajectoires", un autre de tes projets … Peux-tu nous en parler ? Une captation est-elle possible pour ce projet ?

C’est un très beau projet né au Festival des Émancipées, en 2022. Il s’agit de deux femmes qui se retrouvent dans un train. On comprend qu’elles se connaissent.  On découvre leur histoire. J’adore les mots de Cécile. Je trouve son écriture précise, délicate, incisive et rythmique. Je suis très heureuse de le rejouer le 25 novembre.

C’est une bonne idée, la captation!


« Protest Songs » avec Camélia Jordana, Jeanne Added et Sandra : encore d’actualité. D’où est né ce concert polyphonique, ce soulèvement artistique et féminin ?

Quels retours en font les spectateurs après les prestations ?

Il est né lors d’une série que la Maison de la Poésie m’avait proposé d’inventer. J’avais choisi de l’appeler "Une Histoire de la Chanson":

"La chanson, c’est un lien intime, quotidien, direct, entre le monde et soi, entre soi et ce qu’on souhaite, ce qu’on vit, ce qu’on éprouve. La chanson est universelle, sans âge, elle vient du fond des temps, elle est un compagnon têtu qu’on soit musicien, poète, plombier, sorcier, qu’on soit savant ou non. Elle est une voix intérieure, qui va vers l’autre, elle est la rumeur de l’autre en soi.

Elle sert à tout, prier, danser, se réjouir, pleurer, se fâcher, rire, imaginer, avouer, rêver, prendre le vent ou les armes.

(Moi, elle est mon métier, et l’un de mes plus grands amours.)

Je vous donne rendez-vous pour vous raconter une histoire de la chanson - la mienne -  avec tout ce que celle-ci tisse de liens entre musique et mots, sacré, profane, poésie, grivoiserie, etc..."

Et pour l’un des volets, j’avais invité les filles Camélia, Jeanne et Sandra. Depuis nous nous retrouvons peu mais régulièrement et je crois que c’est très émouvant.


Tu es maman, as-tu transmis le goût de la musique à ton/tes enfants ?

Je ne sais pas encore, je crois ! 😅


Tu as beaucoup créé de « concepts musicaux » , y aura-t-il un jour quelque chose pour les jeunes enfants ?

C’est bien possible (motus) !


"L est au Bois", une compagnie née en Bretagne : Parle-nous de ton indépendance, de ce choix pour plus de liberté … Est-ce le socle de collaborations artistiques , y a -t-il d'autres artistes sur ce projet ?

C’est à la base le nom que j’ai donné à ma structure pour qu’elle puisse porter mes projets. Avec le temps, je crois qu’elle va pouvoir porter aussi ceux de mes musiciens ou d’autres créations plus collectives, et de l’action culturelle. Pour créer du lien sur les territoires bretons, ou plus lointains.


Le live : un monde à part…un cocon intime 

Un cocon, c’est sûr… mais qui s’ouvre avec le regard et l’émotion de l’autre.


Peux-tu évoquer la création avec Anne-Sophie Bérard :  3 couleurs, 3 actes ?

Onirique, politique, intime.


Parle nous des différentes étapes clés pour créer visuellement, sensoriellement le spectacle (réunions, créations, essais…) 

Première discussion : Anne Sophie et moi rencontrons Cyril Teste. Anne-Sophie arrive ensuite avec l’idée d’exposition (et non de représentation) et après nous avons fait des résidences à Pordic, à Vannes et au Théâtre de Saint-Quentin en Yvelines.


Es-tu de celles qui parlent beaucoup sur scène ou plutôt discrète ?

De plus en plus…


©Lx Susannah

Tu portes une tenue très sobre et androgyne sur scène , comment l'as tu choisi ?

Avec Anne-Sophie, mais elle va être repensée par la créatrice Stéphanie Coudert.


Comment as-tu pensé les arrangements live avec tes musiciens qui sont les mêmes que sur l’album ?

C’est Antoine Montage, le directeur musical, du live ! Il a écrit les arrangements. Mais nous voulions respecter ceux du disque, et surtout sa couleur sonore.


Des hommes sur scène avec toi, des femmes à la création ? Comment ce beau monde cohabite dans tes projets ? 

Très bien. Je suis entourée d’hommes très féminins et de femmes ancrées, fortes et sûres d’elles-mêmes. C’est très paisible. Et assez merveilleux!


Même si le concert est basé sur « Cheminement » , comment s’insèrent les morceaux phares de ton répertoire comme « Jalouse » , «  Tant Pis » ...?

Il n’y a pas "Jalouse" 😅😬 Nous avons rhabillé "Tant pis", "Petite", "Pareil"…


Pour finir qu’est-ce qui « chemine » en toi en ce moment ? 

La libération de ce qui entrave encore ma joie, ma créativité, ma plénitude! Mais ça bosse… (rires).


Merci Raphaële et au plaisir de te voir enfin sur scène !

Au revoir Adeline ! 


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