Amaury Massion alias Lylac a sorti son 3ème album « The Buffalo Spirit » en mars 2018. Dès la première écoute c’est un disque qui m’a particulièrement plu, alors forcément j’ai eu envie d’en savoir sur la façon dont il s’est fait. Rencontre avec un artiste instinctif et authentique.
FilZik: Comment décide-t-on de partir plusieurs mois dans l’Ouest américain ? Lylac: Le voyage a toujours été le fil conducteur de mon projet Lylac. J’ai toujours adoré voyager. Déjà quand j’ai fait mon 1er album « By a tree », j’avais beaucoup voyagé dans le sud est de l’Asie, en Thaïlande, au Cambodge, au Laos. Et en rentrant de ces voyages, on s’est dit qu’on aimerait vraiment se lancer dans le projet d’un voyage plus long. Quand on est parti dans l’Ouest Américain, les astres étaient un peu alignés. Je terminais la tournée de l’album précédent, ma femme changeait de boulot, ma fille avait 5 ans et mon fils 5 mois. À un moment, on s’est dit que si on ne le faisait pas maintenant on ne le ferait jamais. Petit à petit ça a mûri dans nos têtes, et on est parti faire ce road-trip à 4 dans en camping-car. Nous, ça nous permettait de vraiment voyager librement sur les routes, et en même temps que les enfants aient un petit cocon avec leurs repères. L’Ouest Américain s’est imposé assez vite comme destination. On cherchait un lieu qui soit à la fois très sauvage et très préservé. D’ailleurs je ne savais pas que ça l’était encore autant. Dès que tu quittes les villes, tu es tout de suite plongé dans une nature très brute et très sauvage.
FilZik: Quand vous êtes partis, vous aviez tout complètement planifié ou vous êtes complètement partis à l’aventure ? Lylac: On est vraiment parti à l’aventure. On avait quand même des contraintes de temps. On avait des visas touristiques maximums de 3 mois aux États-Unis, donc on savait qu’on quitterait après 3 mois. Anecdote de calendrier, on a quitté les États-Unis le jour de l’investiture de Trump. Les californiens n’étaient d’ailleurs pas ravis ! On savait aussi qu’on allait passer 15 jours au Mexique avant de rentrer en Belgique, et c’est d’ailleurs là que j’ai écrit le dernier morceau « Hasta Siempre ». Ce morceau clôture l’album un peu comme il clôture le voyage en fait. Cet album, c’est comme un carnet de route. Tout le reste a été improvisé. Et c’est ça qui rend pour moi le voyage encore plus fort. Avoir le temps de faire les choses, et laisser la part de l’improvisation au gré des rencontres et des coups de cœur avec les gens et les lieux. Se laisser porter, se laisser imprégner par cette ambiance très particulière de l’Ouest Américain, entre les rivières sauvages, les déserts, les forêts à perte de vue. Et les rencontres extraordinaires avec des Indiens.
FilZik: Quand vous êtes partis, vous aviez dans l’idée de faire un voyage ou tu pensais déjà faire un album à partir de ce voyage ? Lylac: Évidemment, 3 mois et demi sans ma guitare me paraissaient impossibles, donc j’en ai emporté une, mais je ne m’attendais pas du tout à écrire un album. Mais les lieux étaient tellement puissants que j’ai assez vite constaté que je commençais à écrire. J’écris un petit peu de manière improvisée et automatique, en essayant de me détacher de toute autocritique et de partir presque dans une sorte de transe. C’est marrant parce que c’est aussi un peu lié avec la culture amérindienne. Il y a vraiment de ça. J’ai beaucoup travaillé avec un tromboniste américain qui s’appelle Garrett List , qui a joué avec Miles Davis. J’ai travaillé avec lui pendant 3 ans dans l’improvisation musicale, pour suivre vraiment le son. On faisait des improvisations, en se regardant ou pas, où même en fermant les yeux. On ne savait absolument pas ce qu’on allait jouer quand on commençait. J’ai beaucoup appris avec ça, et ça a influencé ma façon d’écrire. Ça m’a vraiment appris à me laisser m’ imprégner par les énergies. Par exemple, pour le morceau « Lo Lo Mai Springs », on était près de Sedona, une petite ville dans l’Arizona, où la terre et la roche sont d’un rouge profond. Encaissé au fond d’un canyon, il y avait une sorte d’oasis avec un lac sacré Navajo. C’est vrai que ça, ce sont des lieux extraordinaires. Là je me suis simplement posé et j’ai été immédiatement inspiré. Est-ce que c’est l’esprit des Indiens Navajos, je ne sais pas, mais en tout cas, le morceau est venu assez vite parce que tu sens une énergie et que tu te laisses porter par ça. Toute ma musique est vraiment basée là-dessus. Sur une démarche totalement honnête et sans stratégie.
FilZik: Sur certains morceaux, il y a des sons d’ambiance. Est-ce que ce sont des sons enregistré pendant le voyage ? Lylac: En plus de ma guitare, j’ai toujours un enregistreur avec moi pour deux raisons. La première, c’est que quand je me mets dans cet état presque de transe où je compose, j’enregistre tout. En effet, aussi étrange que cela puisse sembler, quand je me retrouve dans cet état très particulier de création, 5 minutes après avoir composé quelque chose, je peux l’avoir totalement oublié. Quand je travaille avec les musiciens avec qui j’enregistre, je réécoute souvent les tout premiers enregistrements pour me reconnecter avec l’énergie exacte du moment. Pour retrouver la magie du lieu ou des rencontres que j’ai faites à ce moment-là. Ça, pour moi c’est essentiel pour toucher à quelque chose de vrai et d’authentique. Et deuxièmement, j’enregistre des ambiances. J’ai ce truc d’être un peu un collectionneur de sons. Je trouve que les sons naturels font partis de la musique au même titre qu’un violoncelle ou un autre instrument.
FilZik: Qu’est ce qui t’a le plus marqué de ce voyage ? Lylac: Je dirais la lumière, mais ça, c’est peut-être parce que je suis Belge. Comme dirait Jacques Brel « En Belgique, le ciel est si bas qu’un canal s’est pendu ». Il y a quelque chose d’extrêmement lumineux dans l’ouest américain. Le slogan de la Californie est d’ailleurs: The endless summer (l’été sans fin). Le ciel y est d’un bleu très profond. C’est combiné aussi avec ces paysages surdimensionnés. Ça donne du coup forcément un sentiment de liberté. Ce voyage, comme tous les voyages, était aussi une quête de liberté, et ces espaces à perte de vue m’ont vraiment marqué.
FilZik: La liberté, c’est quelque chose qui est aussi très important dans ta musique. Lylac: Comme je le disais, Lylac c’est un projet sans stratégie. Je pense que c’est ça qui fait que les gens y sentent une certaine authenticité. J’ai la liberté de faire exactement ce que je veux. J’enregistre les morceaux exactement comme je veux qu’ils sonnent, sans me dire que ça serait bien qu’il sonne comme si ou comme ça parce que c’est la mode de faire ceci ou cela. La quête de liberté, je pense que quelque part, on l’a tous. Pour moi c’est essentiel dans ma musique. Par exemple, par rapport au titre de l’album The Buffalo Spirit. Quand j’ai ramené tous ces morceaux écrits là-bas, Quand j’ai commencé à réfléchir au visuel pour la pochette, j’ai regardé les photos du voyage et je suis tombé sur une photo extraordinaire que ma femme à prise. On était sur une route déserte se perdant à l’horizon, et qui représentait vraiment ce voyage, aller vers l’inconnu, vers la rencontre de l’autre. C’est ça aussi la liberté. Quelque part se perdre, pour se trouver. Si on peut se permettre de prendre le temps de laisser le hasard jouer, quelque part c’est là qu’on apprend sur soi-même, mais aussi sur le respect et sur l’amour de l’autre. Depuis le début du projet Lylac, j’ai cette liberté de me dire je vais faire enregistrer mes chansons exactement comme je les veux, et il s’avère que dès le 1er album, les retours ont été très positifs. J’ai vu que le public, quand on lui propose quelque chose de vrai, de juste et sans stratégie, il peut répondre présent aussi en fait, et à la limite d’autant plus.
FilZik: Tu es rentré de ton voyage avec des titres en guitares voix. Comment s’est passé l’enregistrement et comment as-tu choisi les instruments que tu voulais rajouter sur cet album ? Lylac: J’ai enregistré tout l’album chez moi, exception faite des percussions. Aujourd’hui avec un ordinateur et quelques bons micros, il y a moyen d’enregistrer à la maison. Ça me permet de travailler à mon rythme. Le violoncelle, j’ai envie de dire que c’est la base du projet avec ma guitare et ma voix. C’est un instrument extraordinaire qui se retrouve sur les 3 albums, parce que c’est un instrument qu’on peut à la fois jouer de manière rythmique aux doigts, un peu comme une contrebasse ou à bien sûr à l’archet. C’est un instrument fabuleux. Ça, c’est un peu l’ADN du projet, mais en revenant des États-Unis, et de ces paysages grandioses, je me suis rendu compte que mon style d’écriture avait évolué. Les ambiances majestueuses des lieux qu’on avait vu me poussaient vers quelque chose de plus large, de plus étoffé. J’entendais une instrumentation plus foisonnante avec des percussions, des violons… C’est comme ça que je me suis retrouvé à développer d’autres sons que sur les autres albums. L’album a été mixé par quelqu’un d’assez remarquable qui s’appelle Pierre Vervloesem (Deus..) et qui a vraiment fait un travail d’orfèvre sur mes 3 albums.
FilZik: Quels sont les projets, tu prépares une tournée ? Lylac: Exactement, une tournée est en préparation, avec notamment un super concert cet été, organisé par Classic 21 (1ère radio rock nationale belge). Un nouveau vidéoclip avec un nouveau single va sortir normalement en septembre. Je tiens d’ailleurs à préciser que le vidéoclip actuel a été fait par un super réalisateur Liégois Karim Ouelhaj, qui a a gagné de nombreux prix internationaux pour des longs et couts métrages, mais qui malheureusement n’est pas assez prophète en son pays. C’est malheureusement souvent le cas. Il est reconnut partout à l’étranger et moins en Belgique.
FilZik: Sur scène, Lylac est présenté dans quelle formation ? Lylac: J’essaie de présenter au maximum la formule de l’album. À 5, avec Merryl Havard au violoncelle, Benoit Leseure au violon, Carlo Strazzante aux percussions et Jérome Van Den Bril qui fait des compléments à la guitare, et moi guitare et voix.
FilZik: Est-ce qu’on a une chance de te voir en France sur cette tournée ? Lylac: J’aimerais beaucoup ! Une date est en discussion pour la rentrée, mais rien n’est encore confirmé pour l’instant.
Site internet : www.lylac.be Page Facebook: www.facebook.com/welcometolylac
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