Nous avions rencontré Sarah McCoy lors de son concert à Brest... Une rencontre riche en émotions, les confessions d'une artiste à fleur de peau...
©AnkaLab
Bonjour Sarah ! Comment vas-tu ?
Je vais bien, je commence à me réveiller après un voyage en train !
Bienvenue en Bretagne, une terre qui aime bien t'accueillir !
Yeah, merci, c'est vraiment génial de revenir !
Ce soir, tu nous présentes ton nouveau spectacle avec des chansons de ton nouvel album "High Priestess". Peux-tu nous dire dans quel contexte il a été créé ?
Comme tous les musiciens qui ont eu le temps de beaucoup créer pendant le covid, c'est à ce moment que j'ai le plus écrit. Mais c'est aussi au moment où j'étais en pleine interrogation et en pleine psychanalyse. Il y avait beaucoup de sujets sur la table concernant la façon dont je me traite, comment les autres me traitent et les projections que cela a pu avoir ailleurs dans ma vie. Je me suis donc questionnée sur ce que c'est d'être une femme, le pouvoir des hommes sur nous, notre corps.
Cela a été transposé dans une chanson, peux-tu en dire plus ?
Oui, cela parle du fait que pour quelques raisons, la femme peut être vue "sale" après avoir été touchée par un homme. Mais c'est aussi mon histoire, avec un homme qui m'aimait mais ne pouvait pas m'aimer car il me considérait comme un péché, son péché. J'ai trouvé cela absolument déguelasse de dire ça à quelqu'un. En gros, "Toi mec, tu m'as touchée et je suis devenue sale, car tu m'as touchée". J'ai envie de dire "Fuck you". Cette mentalité doit totalement s'arrêter. Donc oui, je parle de cela et de comment je l'ai réalisé et accepté pour avancer.
Tu as repris le chemin de cette écriture cathartique, tu as toujours besoin de sortir les mauvaises choses en toi pour mieux avancer ?
Oui, c'est une forme de sublimation des idées noires. C'est drôle que tu m'en parles, car, en ce moment, je suis sur une énorme page blanche. J'ai besoin d'y retourner, mais je n'y arrive pas. Il y a beaucoup de mots, de sujets qui flottent dans ma tête mais, ça ne sort pas, c'est hyper frustrant ! Ça va venir ! Je prie pour que ce soit aussi facile qu'avant (Rires)
En même temps, tu fais autre chose, des concerts sur le répertoire d'High Priestess, le livre d'avant et pour accéder au nouveau livre, il faut fermer l'ancien non ?
Ça c'est vrai ! Il me faut du temps pour ranger mes pensées. On en parlait avec mes musiciens, au début, on avait plein de temps pour créer. Il y avait plus de pression pour ce second album, et maintenant, il faut écrire le prochain.
Il y avait de l'attente de la part du public, peut-être de tes producteurs ou c'était plutôt toi qui avait ce besoin d'exister à travers la musique ?
Hummm, il y a toujours la pression côté business et ça a tendance à me bloquer. L'âme ne s'arrange pas avec le capitalisme. Même si l'un ne va pas sans l'autre dans ce milieu, on ne peut pas les diviser mais,selon moi, ils ne méritent pas d'être dans le même panier. (Rires)
Mais dans ton métier, tu n'existes pas sans les autres ...c'est compliqué !
Totalement, j'ai besoin de les remercier, mais le blocage vient aussi de là. Dans ma tête, j'ai des phrases comme "Est-ce que ça, c'est assez vendeur ?" et je sais qu'il ne faut pas laisser rentrer cette pensée en moi. Mais c'est presque impossible, c'est un combat constant !
Quelle est la première chanson que tu as écrite pour cet album ?
La musique était déjà écrite sur la chanson en français et j'ai essayé de la créer, mais la toute première, c'était la chanson "La fenêtre" avec toutes les voix. Mon logiciel ne fonctionnait pas, mais j'avais besoin de chanter. C'était juste moi et ma voix, ça me donne la chair de poule d'en reparler. Je l'ai faite chez moi, entre l'hiver et le printemps, portes verrouillées, au 3ème étage, sans ma mère, dans un pays étranger, au milieu d'une crise et en train de regarder les oiseaux ! Je les voyais faire leur nid, tout cela était pour moi, comme une forme de paix, mais moi je me sentais en feu. Les paroles ont été guidées par les images de qui j'étais à ce moment-là. Et après, j'ai créé "Weaponize me".
Cette chanson est très très forte !
(Rires) Oui, j'ai mis l'aiguille en plein dans le mile !
Il y a toujours la collaboration avec Renaud Letang et Chilly Gonzales que t'apportent-ils de différent comparé aux autres rencontres que tu as pu faire ?
Pour Chilly Gonzales, c'est un mentor pour moi. Il a écouté chaque chanson et m'a conseillé sans me juger. Il a respecté mes choix artistiques. Il était là pour réessayer et réécouter des choses très finement. Renaud, il est vraiment spécial car il m'a vraiment aidé techniquement, avec les logiciels. Il était conscient du travail que je lui demandais mais était motivé et m'a soutenu.
Tu conserves toujours l'univers organique, la voix et en même temps cette fois, tu pars sur des nouveaux sons, de l'électro... est ce que c'était un pur plaisir ou quelque chose qui te faisait peur ?
Ça me faisait énormément plaisir car, même si, à ce moment là, mon corps n'existait plus; c'était vraiment cool de trouver des sons, des petits univers et de choisir spécifiquement les éléments qui créé une image dans ma tête puis faire une mélodie.
Mais oui, j'avais peur, car ce monde électronique est rempli de gens qui maîtrisent depuis qu'ils sont très jeunes comparés à moi qui débutait. J'avais peur de sortir mon premier essai, à mon âge ! Il a fallu que je me dise que ce n'était pas une compétition, me faire confiance et m'exprimer.
Cela rajoute une puissance, une certaine modernité à ta musique...
Oh merci ! J'avais besoin de chanter plus légèrement et librement dans mon appartement ! (Rires)
©Anoush Abrar
Super pour les voisins (Rires) !!
(Rires), il y avait un voisin qui aimait bien frapper à ma porte et me disait "Excuse-moi je suis un auteur, j'ai besoin d'un peu de silence". Oups ! Quelle fucking lady (Rires) ! J'ai fermé ma g....(Rires)
Dans une précédente interview, tu me disais aimer enregistrer des petits sons au quotidien... Je les ai retrouvés dans cet album (oiseaux...) !
Yeahhh, c'est cool !! Purée, oui ! Ça, c'est ce que j'ai enregistré pour "La fenêtre". Et puis, j'ai aussi ajouté des sons, pendant la pandémie, quand les gens applaudissaient à 20 heures à leur fenêtre. J'ai aussi fait une autre chanson, comme une juxtaposition avec ce son.
La santé mentale, ce que tu vis intérieurement est toujours un thème dans tes albums. Comment réagis-tu quand les gens viennent te voir et parlent du parallèle qu'ils font avec leur vie, les échos ?
C'est toujours un peu intense, mais c'est aussi le but de faire de la musique et de sortir des émotions, que cela créé des connexions. On se dit qu'on est tous ensemble avec ça et qu'on est pas seule avec des émotions fortes. Mais oui, c'est un peu choquant et des fois, c'est intimidant. Il arrive parfois que des gens pleurent, je ne suis pas une sainte, au contraire (Rires) mais, je n'ai rien à faire d'autres que de les prendre dans mes bras ! C'est très intense. Je ne veux pas que les autres portent ma douleur, je sais qu'il y a des échos et ca me fait peur parfois. C'est touchant quand même, c'est très difficile à expliquer. Dans ce moment-là, c'est difficile de trouver les mots pour gratifier ou valider les émotions des autres. Ce n'est pas mon rôle, il faut que les gens trouvent eux-mêmes des réponses, je suis juste là pour accepter le transfert à cet instant. C'est dur ça, mais c'est une jolie chose !
C'est que tu as réussi à toucher les gens ! C'est un don que tu as !
Oui ! C'est aussi choquant de savoir que je peux produire des émotions à un niveau mondial.
Dans ce nouvel album, tu voulais relever des défis, tu as chanté en français ... Tu habites depuis quelques années en France, était-ce ainsi plus facile pour toi ?
Oh non (Rires) J'avais encore besoin de travailler les paroles. J'ai bossé avec mon manager Victor qui est aussi rappeur. Il m'a guidé, m'a dit ce qui ne marchait pas pour faciliter la compréhension des gens. On a repris ligne par ligne, en faisant attention à la prononciation pour faire les rimes.
Comment as-tu réussi à faire sonner le français avec ta voix si singulière ?
(Rires) C'était terrible !! Je ne me souviens plus mais le mot "ombre" est si difficile à dire pour moi.
Pour cet album-là, tu as encore plus travaillé les visuels, montré ton corps avec du maquillage, de la peinture, mis en valeur tes tatouages... Avec qui as-tu collaboré ?
Avec Anca Partouche pour la photographie ! Je l'ai rencontré à un concert de Chilly Gonzales, on a rit de suite et on s'est super bien entendus ! On a fait quelques essais avec d'autres idées, c'était beau, mais un peu trop vu. Je me suis questionnée, je vivais une rupture difficile au même moment, j'étais mal. J'essayais de tenir bon, pendant ce temps-là j'ai commencé à peindre avec des couleurs très spécifiques.
©AnkaLab
Et cela t'a donné des nouvelles idées ?
Oui, j'avais envie de peu de choses, une robe noire, un peu de maquillage et un peu de folie. J'ai tenté de réparer mon âme à travers la création. Cette expérience m'a permis de renaître.
Tu devais te reconstruire ...
Oui, je devais regarder les pièces qui restaient de moi et qui pouvaient être sauvées, recollées. J'étais comme morcelée. Il y avait des parties de moi impossible à recoudre. J'ai dû accepter que j'étais devenue une autre personne. C'est un passage de ma vie qui m'a fait grandir malgré les douleurs. J'ai laissé une partie de moi-même derrière et j'en ai pris conscience quand j'ai fini l'album. Je trouvais important de le mettre ainsi en couverture de mon album.
En es-tu fière maintenant ?
Oui, je suis fière de cet album. Je me bats toujours avec mon existence, mais je ne pensais pas le vivre si tôt .
Tu te connais peut-être mieux maintenant ?
Oui, même si ce n'est pas toujours heureux ni joyeux, ça reste encore douloureux.
As-tu conscience d'être, en tant qu'artiste féminine, une femme inspirante pour moi, d'autres ...?
Je ne pense pas l'être...
Est-ce que tu l'acceptes ?
Des fois (sourire) mais pas toujours. En fait, je souhaite à personne d'être comme je suis ou de se sentir comme je me sens.
Je pense plus au fait d'être celle qui s'est battue pour tenir debout malgré tout...même si tu peux être profondément abîmée, tu te relèves et en fait des chansons...
Oui, c'est difficile à expliquer ...
Peut-être que cela ne s'explique pas !
Comment vis-tu le fait de venir présenter ton album en live, en concert ?
C'est super ! Je suis si heureuse et fière de remplir des salles, je suis à 100% certaine que cela est possible grâce à mon équipe ! Jeff Halam et Antoine Kerninon ont fait un spectacle incroyable ! La projection visuelle est si belle !
Et le fait d'être trois sur scène et plus seule ?
Au début, c'était un peu bizarre car je n'étais pas habituée. Ils sont connus dans le métier, moi je me sentais étrangère. La musique nous a rassemblés, très ouvertement ! C'est incroyable, je suis fière de jouer avec eux, je me sens parfois toute petite face à des géants (rires) !
Merci pour ton accueil et ta sincérité
Merci beaucoup !
Session vidéo :
Plus d'infos :
Facebook : https://www.facebook.com/SingerSarahMcCoy
Site web : https://www.sarahmccoymusic.com
La tournée reprendra à la rentrée ! A vos billets !
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